Il n’y a pas si longtemps, nous étions tous abasourdis des accusations pesant sur Harvey Weinstein, ce producteur d’Hollywood accusé d’agressions sexuelles. Des dizaines de ”big star” ont fait suite aux dénonciations des actes commis. Peut de temps après c’était au tour du showbiz québécois d’être ébranlé par les comportements inappropriés d’Éric Salvail et de Gilbert Rozon. Entre temps, l’actrice Alyssa Milano à lancé un appel à toutes les victimes d’agression ou de harcèlement sexuel en leur demandant d’utiliser le #moiaussi sur les différents réseaux sociaux. L’ampleur de la campagne qui s’en ai suivi à mené à des milliers de témoignages et d’utilisation du #moiaussi.
Peu à peu, chacun des #moiaussi est devenu un méga #nousaussi. Peu à peu, les gens ont pu s’apercevoir de l’ampleur des victimes d’agression ou de harcèlement sexuelle, autant au Québec que partout dans le monde.
En tant que centre de femmes, nous n’avons pu faire autrement que d’être sensible à cette mobilisation en partageant sur notre Facebook un lien qui expliquait de façon claire et précise les subtilités entre drague, harcèlement et agression. (Pour consulter le lien -> http://quebec.huffingtonpost.ca/2017/10/15/ce-tableau-permet-de-distinguer-tres-simplement-seduction-et-harcelement_a_23244017/ )
Cette semaine, une femme nous a apporté son témoignage et nous a généreusement permis de le diffuser afin d’apporter davantage notre appui aux #moiaussi et à toutes les victimes.
Témoignage de Julie
Pas si simple qu’on peut le penser…
Moi, je ne pas connue du publique. Et je ne souhaite pas que ça change. Je sens quand le même le besoin d’écrire. D’écrire à toutes ces victimes…qui en parlent ou pas, pour leur dire que je respecte leur choix. En tant que survivante, voici ce que j’en pense.
Pour moi, ça fait longtemps. Je pensais même que c’était réglé dans ma tête. En fait, je m’étais dit que j’avais choisi ce qui m’était arrivé et que d’avoir été plus prudente, rien de tout ça n’aurait eu lieu. Au passage des années, j’ai entendu quelques fois, des reportages sur le sujet. Touchant oui. Bouleversant, oui. Puis il y a eu ce jour où un autre reportage a déclenché chez moi un tsunami. Pourquoi cette fois-là plus qu’un autre ? J’en ai conclu que c’est parce que ma fille avait neuf ans et que tout d’un coup, j’ai eu peur. Peur de la société dans laquelle on vit. Bien sûr, je me suis dit que cet homme-là, elle ne le verrait jamais. Je n’ai pas pu m’empêcher de penser qu’il y a tous ces autres agresseurs dont les victimes n’ont pas parlé et que ma fille courait un danger. Je me sentie coupable. Coupable de réagir seulement quand ça affecte l’un des miens. On me dit que c’est humain. J’essaie de me pardonner.
À ce jour, 40 livres de perdues et 1 an de thérapie. Toujours le même questionnement, la même emprise sur ma vie. Je dénonce ou pas. Parce qu’il y a deux facettes à mon choix. Je ne m’en sors pas. Si je parle, j’ai peur d’être jugé plus sévèrement que l’agresseur. À voir les commentaires sur les réseaux sociaux, vous ne pouvez pas me convaincre du contraire. J’ai aussi la peur que ceux qui croient aient de la pitié, la peur de plus être juste moi, mais d’être «celle qui a subie ça». Et puisqu’on se dit les vraies affaires, je t’avoue avoir peur de briser d’autres vies. Autant celles de mon entourage que le sien. Il a une famille maintenant, des enfants… et peut-être qu’il ne fait plus ça, peut-être que c’était une erreur.
Et puis il y a le «si je ne dénonce pas» qui me torture tant. Parce que c’est aussi possible qu’il fasse encore ça. Parce que si personne ne dénonce personne, notre société demeure en danger. Parce que même si ce n’est pas de lui que j’ai peur pour mes enfants, j’ai peur pour les enfants des autres. Il y a aussi les autres qui ont agressés, il y a plusieurs années, qui n’ont pas été dénoncés. Ils le font peut-être encore. Ces derniers sont peut-être proches de mes enfants, des vôtres également. Vous commencez à comprendre ?
Alors, peut-être que ne comprenez pas pourquoi il y a des dénonciations après tant d’années. Cela porte certains à écrire des bêtises que les victimes et les survivantes lisent. Je ne peux pas parler pour elles, mais je peux vous dire que moi, ça me fait mal. Ça fait mal, même après presque 25 ans.
Vous saisissez l’ampleur ? Je le souhaite. Je souhaite que dans quelques temps, on ne dira pas : Ça recommence. Comme en octobre 2017. Vous vous souvenez du scandale qu’il y a à ce moment ? Scandale qui s’est éteint et qui n’a rien changé… J’espère plutôt qu’on dira qu’une société s’est mobilisée pour s’éduquer à la sexualité et que les agressions ne seront plus tolérées. Peut-être que je suis seule à penser tout ça, mais ça, ça me surprendrait. Alors, OUI haut et fort aux victimes et survivantes, je vous dis que je respecte votre choix. Que je comprends.
Parce que ce n’est pas si simple…